jamais plus heureux
Nous sommes en 1524. Ignace s'appelle encore Inigo. Il revient de Terre sainte où il aurait voulu donner sa vie comme le Christ (mais on lui avait demandé de partir, et il avait obéi). Il décide alors de prendre du temps pour étudier « afin d'aider les âmes », comme il l'écrit dans son autobiographie (Récit du pèlerin, n. 50). Il arrive donc à Barcelone où il se mêle aux jeunes, de vingt ans ses cadets, dans l'apprentissage du latin, de la grammaire... lui qui a 33 ans, l'âge de Jésus mourant sur la croix après trois ans de vie publique. De fait, Inigo a du mal à entrer dans les études. Mais il se cramponne à sa décision et promet à son maître de ne jamais manquer ses leçons, malgré les désirs de prière qui le tenaillent !
Cela ne l'empêche d'ailleurs pas de chercher à faire du bien autour de lui, à donner sa vie dans le quotidien des rencontres. C'est alors qu'il découvre un couvent de moniales où la vie religieuse s'est relâchée. On y entre comme dans un moulin, des hommes surtout. Les soeurs y jouent les grandes dames... D'une manière qui lui est déjà habituelle, Inigo fait découvrir le chemin de la vie spirituelle aux religieuses, leur apprend à prier. Elles renoncent finalement au badinage et s'engagent dans le sérieux de leur engagement religieux. Oraison et flirt ne font pas bon ménage ! Certains à Barcelone ( des jeunes hommes, surtout...)sont furieux de ce revirement. Un soir, ils tendent une ambuscade à ce nigaud d'Inigo qui leur gache les plaisirs. Roué de coups, il est laissé à demi-mort. Il lui faut deux mois pour se remettre. La famille qui l'a recueilli et le soigne essaye de le raisonner et lui demande la prudence. Inigo ne peut que répondre sa joie d'avoir été mis à la place du Christ, mis à mort à cause du bien qu'il faisait pour ses frères.
On distingue au fond de cette peinture les religieuses qui rentrent au monastère, converties par Inigo. Au premier plan, sur son lit de malade, saint Ignace ressent la chaleur d'un coeur enflammé d'amour. Il découvre que dans la vie quotidienne, dans la routine d'un emploi du temps répétitif, il peut aussi « aider les âmes », comme une manière qu'il n'avait pas choisie de donner sa vie pour ses frères. « Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (évangile de Jean, 15, 13).
FRANCIOSI, p. 274, n. 4