les joies de l'Esprit
Serions-nous ici en présence d'une apologie du masochisme ? La joie dans les souffrances... On imagine volontiers les pénitents de la Semaine Sainte se flagellant dans les rues des grandes villes espagnoles, un spectacle que connaissait Ignace et auquel il recommandait d'ailleurs à ses compagnons étudiants de ne pas trop participer. Non, Ignace a autre chose en vue. D'abord, il évoque ainsi sa propre expérience. Il parle de la joie de ceux « qui ont longtemps et beaucoup souffert », mais il précise : pour l'amour de Dieu. Il pense aux martyrs dont il lisait les actes dans Les fleurs des saints, un livre qui présida à sa conversion pendant sa convalescence à Loyola, en 1522. Il pense à la joie qui est le fruit de l'Esprit Saint, selon saint Paul (cf. Epître aux Galates, 5, 22), à la joie de l'apôtre endurant toutes sortes de persécutions pour ses frères (Epître aux Colossiens, 1, 24). Il comprend donc que la joie authentique est avant tout une grâce de Dieu, qu'on ne se donne pas à soi-même, qu'on ne se fabrique pas à coups de « paradis artificiels », ou pour simplement « réussir » sa vie. Elle est la conséquence d'une vie offerte par amour de Dieu. Alors, la souffrance peut trouver un sens. Elle est le lieu où Dieu se révèle en Jésus-Christ, souffrant sur la croix, « pour le salut des hommes ». Associé à la mission du Christ, celui qui souffre la persécution est aussi associé à la vie de Dieu, à la joie de Dieu qui sauve les hommes. C'est la joie du Christ ressucité, qui a traversé la mort pour nous entraîner à suite, auprès de son Père.
FRANCIOSI, p. 249, n. 11